Sa vie était aujourd'hui ainsi faite. Ses seules activités consistaient en son travail et aller faire les courses une fois toute les trois semaines maximum. Il ne mangeait que peu de toutes manières, il n'y trouvait plus aucune plaisir. Tout semblait bien fade à présent à ses papilles et à tout le reste. Le seul et infime rayon de sa vie dernièrement était un petit chat qu'il avait adopté récemment. Ou plutôt qui l'avait adopté. Il l'avait appelé Gidéon. Allez savoir pourquoi. Le pauvre petit minou n'avait même pas encore appris son surnom d'ailleurs. Trop compliqué pour lui sûrement. Angus avait donc décidé de garder ce petit animal tout poilu, l'air inoffensif et aux grands yeux toujours surpris. Le problème c'est que dans son appartement, il n'avait absolument rien pour la petite bête. Il l'avait jusqu'à maintenant laissé dormir dans son lit et faire ses besoins dans le peau de fleur mais ça ne pouvait plus durer comme ça à présent.

Il s'était armé de son porte feuille et était parti, avec la ferme intention de trouver là où il faisait la plupart de ses achats, le nécessaire pour le petit Gidéon : un couffin, une boite à litière et surtout, de la nourriture. L'animal n'allait pas supporter longtemps la couenne de son jambon et un bol de lait. Il entra dans la première boutique animalière qu'il croisa une fois dans le centre commercial et s'adressa directement à une vendeuse, lui demandant ce qui correspondait le mieux à un chaton d'environ cette taille, ce poids, et avec un poil comme ça. Non, il n'était pas expert en la matière et ses informations étaient très vagues mais il faisait comme il pouvait. La jeune femme lui indiqua avec un grand sourire tout dont il aurait besoin pour que Gidéon se sente à son aise. Litière spéciale bébé chat. Croquette spéciale bébé chat. Un couffin adapté à sa taille. Une brosse pour éviter les boules de poils spéciale poil raz (et bébé chat). "Oui mais.. quand il sera grand ?" demanda-t-il faisant glousser la demoiselle qui prit alors un couffin plus grand. Le reste, il ne valait mieux pas en changer pour le moment. Il acquiesça et prit le tout. Au passage en caisse il ne s'attendait pas à une somme aussi faramineuse et déglutit un peu. Mais d'un autre côté, à qui d'autre pouvait-il faire plaisir avec son salaire de médecin ? Pas à lui, malheureux comme les pierres, et personne d'autre à part ce petit être sans défense. Il mit le tout dans un immense cabas et le plaça sur son épaule, remerciant la jeune femme avant de se diriger vers l'extérieur. Il allait maintenant rentrer chez lui et y rester pour les décennies à venir… ah non, mince, il avait toujours son travail. Encore et toujours et il ne pouvait juste pas y couper.

Il soupira fort et baissa les yeux sur ses chaussures, se dirigeant vers la sortie, avec juste l'envie de se retrouver seul dans ce grand appartement vide, dont le silence était parfois ponctué de miaulement depuis quelques jours. Peut-être bien que ce chat allait lui sauver la vie. Et alors qu'il s'apprêtait à sortir, complètement fasciné par le bout de ses baskets, il percuta de plein fouet quelqu'un, faisant tomber son cabas et déversant son contenu sur le sol. "Merde…" grogna-t-il pour lui-même en se frottant la nuque. "Je vous demande pardon !" s'empressa-t-il d'ajouter avant que la personne qu'il venait de molester ne prenne son juron personnellement. Il commença à rassembler ses effets et jeta un coup d'oeil à la femme qu'il n'avait jusqu'alors pas vu. Et il bugua littéralement en reconnaissant les traits de la brunette. Il la fixa un instant, comme pour être sûr qu'il s'agissait bien d'elle avant de se relever, l'air éberlué. "Non… T.. Tessa ?" commença-t-il avant de laisser ses lèvres s'écarter en un énorme sourire. "Waw ! Mais.. Waw ça alors ! Tessa !!" s'extasia-t-il en espérant ne pas passer pour un idiot au cas où elle ne se souviendrait pas de lui. Il n'osait pas esquisser un seul mouvement vers elle. Il savait qu'elle ne le portait pas totalement dans son coeur. Elle, il la reconnaissait parfaitement. Il se souvenait de quelques entrevues avec la femme face à lui, chez lui.. chez eux. Elle était une amie proche de Joe. Il mordilla sa lèvre nerveusement à ce souvenir mais repris du poil de la bête et n'en sourit que plus. Ca n'était déjà pas facile d'oublier le passé, alors imaginez lorsque vous le prenez de plein fouet.