Jeremiah venait de passer la journée entière avec Adan, son petit garçon. Il avait pris sa journée, ne travaillant pas sur de grosses affaires, et avait donc profité de cette journée de congé pour voir son fils. Il n'avait pas l'occasion de passer énormément de temps avec lui, sa mère ayant obtenu sa garde pour le moment, alors toutes les occasions étaient bonnes à prendre. Il l'avait mené un peu partout à Denver puis l'avait difficilement reconduit chez sa mère. C'était toujours dur de se séparer de lui. Sa mère le lui laissait quelques week-end, mais ce n'était jamais suffisant. Et si cela ne tenait qu'à Jeremiah, il demanderait la garde exclusive d'Adan. Malheureusement, ils étaient deux. Et si le petit avait besoin de son père, il avait également besoin de sa mère. Seulement, Jeremiah souhaitait obtenir au moins la garde alternée, lorsque le petit serait un peu plus âgé et donc moins susceptible d'être perturbé par la situation. Après l'avoir embrassé, il était donc monté dans sa voiture, récupérant son cellulaire qui lui indiquait quelques nouveaux messages. On lui proposait deux ou trois plans pour la soirée, un fête ou des sorties plus tranquille. Jeremiah était très tenté pour se rendre à cette soirée où il était invité par une connaissance. Seulement, il n'y connaissait pas grand monde et cette perspective ne l'enchantait pas tellement. Il lui fallait donc réfléchir à la question.

Sur le chemin du retour, il passa devant la boutique où travaillait Anthony, un garçon qu'il appréciait énormément et qu'il avait rencontré à New York, alors qu'ils faisaient leurs études. Ils s'étaient finalement perdus de vue, et le hasard faisant bien les choses, ils s'étaient retrouvés à Lakewood. Jerem' se gara donc devant la boutique et alla rejoindre le fameux Anthony, tout sourire. Salut! Il se balada entre les divers rayons, s'intéressant toujours davantage à cet univers au fur et à mesure qu'il venait ici. Bonne journée ?

A vrai dire, Jeremiah avait une idée derrière la tête. Il ne voyait Anthony que dans sa boutique, et jusqu'à présent, il n'avait jamais réussi à le faire sortir. Seulement voilà, aujourd'hui il était décidé à ce que le garçon l'accompagne à cette soirée. Après tout, cela ne pouvait pas lui faire de mal. Arriverait-il à le convaincre ? Telle était la question, mais selon Jeremiah, qui ne tente rien n'a rien, après tout.

Spoiler:

Quand le dernier gamin présent sort de la boutique, quelques comics sous le bras, en sifflotant un air que je reconnais mais dont le nom m'échappe, je laisse mon front entrer en contact avec le bois de la caisse, soupirant franchement. Il y a des jours comme ça où, subitement, tous les jeunes du lycée de la ville se motivent à passer en groupe, et sont têtus au point de ne pas dégager les mains vides. Croyez-moi, quand il y en a des difficiles, ça met longtemps. Très longtemps. Tournant un peu la tête, je jette un œil à l'horloge, soupirant de nouveau. J'ai besoin d'un café. Et pour une fois, je suis même prêt à le laisser noir. Mais ma dernière pause est encore trop récente selon les critères de mon patron, et je ne suis pas loin de fermer la boutique pour la soirée. Encore un peu, et je pourrais aller au café le plus proche, rentrer chez moi, et me faire une soirée télé, ou quelque chose dans le genre.

Contournant la caisse, je me décide à faire un peu de tri, m'épargnant ça pour le lendemain matin. Je ne suis même plus surpris en voyant qu'ils m'ont retourné quasiment la moitié de la boutique, sûrement trop l'habitude. Au moins, ils font attention aux exemplaires qu'ils touchent, c'est déjà pas mal. C'est le bazar, mais ça n'est pas abîmé, donc il y aurait pu avoir pire. Au bruit de la cloche accrochée au-dessus de la porte, je relève la tête, me demandant quel genre de client je peux avoir à cette heure, et si ça va empiéter sur l'heure de fermeture. Parce que même si mon désir le plus cher sur l'instant est de ne plus rien faire dès que je pose le pied dehors, je n'ai pas le droit de virer qui que ce soit « parce qu'on ferme ». En voyant Jeremiah, je tente un sourire convaincu alors que je retourne à mon rangement. Je le vois bouger du coin de l'œil dans les rayons, répondant à ses salutations par un vague signe de main.

« Éprouvante. C'est à se demander si des fois, les lycéens ne se liguent pas pour me fatiguer jusqu'à ce que j'en meurs sur le sol pour ensuite pouvoir fuir avec les séries qui leur font de l'oeil. Et la tienne ? Qu'est-ce qui t'amène ici ? »

Laissant mon rangement à moitié terminé pour le lendemain -il faut avouer que là, je n'ai plus trop le courage de me concentrer sur mon travail. Puis ça m'occupera pour le prochain matin à venir-, je me dirige vers une caisse laissée non loin de la porte menant vers la réserve, récupère un des catalogues rangés à l'intérieur avant de finalement me planter devant Jeremiah, le lui tendant.

« Ce sont les sorties à venir, si ça t'intéresse. Il en manque quelques-unes, mais globalement c'est assez complet. »

Nouveau coup d'œil à l'horloge. Bien, il est temps de commencer à ranger mes affaires. Ça ne le dérangera pas de me voir faire, il doit bien se douter que je ne le fous pas dehors, que je me contente juste de me préparer à partir. Récupérant mon bloc à dessin sur le comptoir, je me penche par-dessus ce dernier pour pouvoir attraper mon sac et fourre le bloc dedans, en même temps que le critérium qui traîne non loin, puis je me retourne pour faire face à la seule autre personne présente.

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Jeremiah esquissa un sourire en voyant Anthony agir. Il avait beau le connaitre depuis quelques années déjà, même s'ils s'étaient perdus de vue entre temps, il avait toujours autant de mal à percer son espèce de carapace. Parfois, il arrivait au jeune homme de se demander si Anthony le considérait comme un ami, car il est vrai qu'il n'était pas évident de s'en rendre compte. Mais après tout, Jeremiah l'adorait ainsi, et cela constituait toujours un défi pour lui de le sortir de sa boutique. En quelques sortes, cela l'amusait. Jusqu'à présent, ils ne s'étaient vus que dans cette boutique, mais pour Jeremiah ce n'était pas suffisant. Ils ne pouvaient pas construire une relation amicale sur quelques échanges sur son lieu de travail.

Éprouvante. C'est à se demander si des fois, les lycéens ne se liguent pas pour me fatiguer jusqu'à ce que j'en meurs sur le sol pour ensuite pouvoir fuir avec les séries qui leur font de l'oeil. Et la tienne ? Qu'est-ce qui t'amène ici ? Jeremiah leva les yeux au ciel avec un sourire amusé en entendant la réponse à sa question. En même temps, il comprenait parfaitement Anthony. C'était un métier qui pourrait correspondre à Jeremiah. Il ne pourrait supporter de rester dans cette même boutique toute la journée, pour voir encore et toujours les mêmes personnes. Trop répétitif. Trop enfermé. C'était d'ailleurs pour cela qu'il avait choisi d'entrer dans la police. Depuis toujours, il avait ressenti ce besoin de bouger, d'être sur le terrain. Et puis, la chance jouant de son côté, il avait rejoint les bancs du FBI, pour son plus grand bonheur. Il était servi. Peut-être même trop. Combien de fois avait-il risqué sa vie face à des criminels en série, ou dans un métro menacé par une attaque à la bombe ? Trop. Il était abonné au service des urgences de l'hôpital de Lakewood. Pour le coup, sa vie était palpitante et lui reservait des surprises. Mais c'était aussi pour cela qu'il vivait, pour son boulot. Ils sont comme ça les gamins, tu le sais bien! répondit-il, le sourire aux lèvres avant d'enchainer. La mienne ? Et bien, je l'ai passé avec mon garçon, ça faisait longtemps qu'on avait pas profité tout les deux l'un de l'autre, alors c'était super. Il soupira doucement, son fils était tout pour lui, malheureusement, la situation était compliquée. J'avais envie de te voir, tiens! Si c'est pas moi qui passe ici, on se voit jamais! fit-il sur le ton de la plaisanterie. Cependant, il n'avait pas complètement tort. Anthony l'oubliait presque, parfois.

Jeremiah attrapa le catalogue des sorties que lui tendait son ami. Il n'était pas fan de comics, mais il avait tout de même appris à s'y intéresser lors de ses nombreuses visites dans cette boutique. Ainsi, il en lisait de temps en temps, et ce n'était pas pour lui déplaire. Il feuilleta le bouquin, alors que le vendeur rassemblait ses affaires. Merci! dit-il en refermant le catalogue pour se concentrer de nouveau sur Antho. Tu fais quoi, tu rentres chez toi, là ? demanda-t-il, soudainement. Mais il ne lui laissa pas le temps de répondre. Parce que on vient de me proposer une soirée et.. ça me ferait plaisir que tu m'accompagnes. Proposa-t-il, certain qu'il ne dirait pas oui si facilement. Mais ce soir là, il avait réellement envie de pouvoir passer un peu de temps avec lui, histoire de le découvrir un peu plus. C'était pour cette raison qu'il espérait le convaincre de venir à cette soirée. Et puis comme on dit, qui ne tente rien n'a rien.

« Si c'est pas moi qui passe ici, on se voit jamais! ». Eeeeeeh, pas faux... Mais ça n'est pas comme si je passais mon temps à aller voir d'autres gens et à le laisser lui de côté. Je vois d'ailleurs tellement peu de gens en dehors de mes deux jobs que personne ne peut dire que je favorise quelqu'un d'autre. Non, moi, je suis productif, en dehors de mon boulot. Ça ne m'avance en rien, étant donné que tous mes dessins sont rangés pour rarement revoir la lumière après, mais tout de même.

Hochant de la tête pour répondre à sa question avant même qu'il ne reprenne, je me stoppe net dans mon geste quand j'entends la suite. Une soirée ? Il vient sérieusement de me demander si je veux volontairement aller à une soirée à laquelle je ne suis très certainement pas obligé de me rendre, puisque personne ne m'y attend et que je n'ai rien promis à qui que ce soit ? Il vient vraiment de me demander de l'accompagner dans un endroit que je ne connais pas pour passer des heures durant lesquelles je serai obligé de me socialiser sans que ce soit dans mon contrat ? Whoah. Ça, je ne m'y attendais pas.

« Je... »

Attrapant rapidement ma lèvre inférieure entre mes dents, je la relâche quelques secondes après, pour ensuite adresser à Jeremiah un sourire désolé.

« Je suis désolé, mais tu sais bien que ce genre de chose n'est pas pour moi. N'est plus pour moi. Tu devras faire sans moi ce soir, navré. »

Je le suis vraiment. Désappointer les gens comme ça n'est pas franchement dans mes activités favorites, mais il me connait, et devait très certainement connaître ma réponse avant même de me poser la question. Je réfléchis rapidement, tentant de trouver un moyen de rattraper le coup. Je ne peux pas lui dire subitement que je vais venir, c'est vraiment la dernière chose que j'ai envie de faire. Mais je peux toujours tenter de lui proposer autre chose. Éteignant les lumières, je commence à tout fermer avant de prendre la parole.

« En revanche... »

J'ouvre la porte, le laissant sortir, avant de la franchir à mon tour et de la fermer à clé derrière moi, reprenant.

« En revanche, je peux te proposer un café, si ça te dit. J'avais prévu d'y passer déjà, donc si tu es intéressé, on peut faire ça... »

Rangeant les clés dans ma poche, je jette un œil dans mon sac pour vérifier que j'ai bien mon argent sur moi. A moins que je ne me trompe, il me semble me rappeler qu'il est aussi accro au café que moi, donc normalement, la proposition devrait le tenter. Comme ça, ça me permet de passer un moment avec lui, et ça évitera qu'il pense que je ne veux rien faire en sa compagnie. Honnêtement, c'est loin d'être le cas, puisque ça me tente. C'est juste que soit je travaille sur une de mes toiles, soit il me propose de sortir le soir, et ça... Non. Juste non. Même pour Eliott, je n'irai pas. Si je peux éviter de devoir rencontrer du monde, je saisis l'occasion avec grand plaisir. Mais trouver une alternative dans ce genre de cas est la moindre des choses...